« Le cancer du sein n’est plus une fatalité ! »

Le Dr Tiffanie Kleinheny fait partie de l'équipe du service d’Oncologie médicale à l’hôpital Emile Muller.
―Marc-Antoine ValloriQuel regard professionnel portez-vous sur Octobre Rose ?
Octobre Rose a été précurseur en mettant en avant un type de cancer, celui du sein. C’est un cancer fréquent chez la femme, avec un taux de guérison élevé, mais un taux de mortalité encore trop important. Cette campagne a le mérite de valoriser la prévention, le dépistage… et surtout la parole. Pendant longtemps, trop de patientes n’osaient pas dire qu’elles avaient un cancer, comme si c’était honteux. Aujourd’hui, des opérations, comme Octobre Rose, permettent de libérer cette parole. Beaucoup de femmes peuvent enfin en parler à leurs proches, à leurs voisins, sans peur du regard des autres.
Vous parlez de honte : le cancer du sein reste-t-il un sujet tabou en 2025 ?
Oui parfois, surtout chez les personnes âgées. Certaines patientes refusent encore que l’ambulance vienne les chercher chez elles, de peur que le voisinage sache qu’elles sont malades. Les jeunes, en revanche, assument davantage. Elles n’ont plus peur de se montrer sans cheveux quand elles sont en traitement, certaines ne demandent même plus de perruque. Il y a une nouvelle génération qui ose, qui parle. Mais chez les plus âgées, c’est moins le cas.

De nombreux rendez-vous concoctés par le GHRMSA ponctuent ce mois d'Octobre Rose.
―Archives - Marc-Antoine VAllori« Le dépistage sauve des vies »
Quels messages souhaitez-vous faire passer ?
Le premier, c’est que le dépistage sauve des vies. Le dépistage organisé concerne les femmes de 50 à 74 ans, mais on peut le faire avant si l’on a des antécédents familiaux ou une mutation génétique connue. Et bien sûr, dès que l’on a un doute, quel que soit l’âge, il ne faut pas hésiter à aller consulter.
Et l’autopalpation ? Nombre de campagnes insistent sur ce geste...
Je pratique des ateliers d’autopalpation depuis quinze ans. C’est utile, parce que les femmes apprennent à connaître leurs seins et peuvent repérer une anomalie. Si l’autopalpation ne remplace pas le dépistage médical, elle aide les femmes à se réapproprier leur corps, à ne plus avoir peur de se toucher. L’idéal est de le faire une fois par mois, juste après les règles, quand la poitrine est la moins douloureuse.
La force du réseau social
Environ 90 % des femmes atteintes d’un cancer du sein s’en sortent aujourd’hui, ces chiffres sont encourageants…
Les innovations thérapeutiques ont été majeures, même pour les patientes métastatiques, dont certaines vivent désormais plusieurs années avec la maladie. Il y a eu une révolution dans les soins de support : les nausées systématiques, les vomissements, les bassines à côté du lit... On a démocratisé les perruques, et surtout développé un tissu d’activité incroyable à Mulhouse : groupes de parole, activités physiques, ateliers bien-être… Ce réseau social autour des malades est une vraie force.

La Clinique du sein du GHRMSA est installée au cœur du Pôle Femme-Mère-Enfant.
―Catherine KohlerLa création en 2010 de la Clinique du sein du GHRMSA a-t-elle changé la donne ?
Oui, c’est une vraie avancée. Grâce à un numéro unique (Ndlr : 03 89 64 66 66), les patientes peuvent être vues en 10 à 15 jours maximum. Cela fluidifie grandement le parcours de soins. Le plus long reste l’analyse des résultats et la mise en place du traitement, mais globalement on a gagné en temps et donc en efficacité. Le vrai problème, à Mulhouse, reste l’accès aux mammographies, faute de cabinets et de professionnels en nombre suffisant. Je n’hésite pas à envoyer mes patientes à Colmar ou à Strasbourg…
« Libérez vos seins ! »
On parle souvent de dépistage, de diagnostic, de traitement, moins de l’« après-cancer »…
C’est une étape pourtant cruciale. Beaucoup de patientes vivent un véritable vide après la fin des traitements. Pendant des mois, elles étaient entourées, suivies, puis soudain, tout s’arrête. Elles rentrent chez elles, on ne les considère plus comme malades, et certaines peuvent traverser un gros passage à vide, jusqu’à la dépression. Après un cancer, la personne n’est généralement plus la même et les questionnements peuvent être multiples, qu’ils soient de nature professionnelle ou privée. C’est pour cela que nous avons développé le Projet personnalisé d’après cancer (PPAC), qui leur permet d’être orientées vers une diététicienne, un psychologue, des programmes d’activité physique adaptée… Cela les aide énormément à retrouver énergie et confiance.
Qu’avez-vous envie de dire aux femmes, jeunes comme moins jeunes, à l’occasion d’Octobre Rose ?
Libérez vos seins ! (sourire) En tout cas, apprenez à les connaître, palpez-les, faites-vous confiance. C’est aussi souvent le partenaire qui détecte quelque chose. Et dès que cela vous semble anormal, consultez, sans panique, mais sans attendre. Le cancer du sein n’est plus une fatalité. Plus on agit tôt, plus on guérit. Et surtout : vous n’êtes pas seules !
Propos recueillis par Marc-Antoine Vallori
Le programme d’Octobre Rose au Groupe Hospitalier de la Région de Mulhouse et Sud-Alsace (GHRMSA) sur https://www.ghrmsa.fr
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