samedi 22 septembre 2018 au jeudi 15 novembre 2018
MATHIEU PERNOT Les Gorgan (1995-2015)
La Filature, Mulhouse
Lors de ses études à l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles, Mathieu Pernot rencontre des familles tsiganes, dont les Gorgan. Il entre peu à peu dans l’intimité de cette famille et entreprend sur 20 ans un travail documentaire.
« les Gorgan », 1995-2015
Les Gorgan relate l’expérience du photographe Mathieu Pernot avec une famille rom. Croisant ses photographies avec celles réalisées par la famille, l’auteur établit la singularité du destin de chaque individu au-delà de l’appartenance communautaire.
Créer un récit familial et individuel
« J’ai rencontré la famille Gorgan en 1995, lorsque je faisais mes études à l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Les parents, Johny et Ninaï, vivaient alors en caravane avec leurs sept enfants, sur un terrain situé entre la gare de fret et le Rhône. Je ne savais rien de cette communauté et ignorais alors que cette famille rom était installée en France depuis plus d’un siècle.
J’ai réalisé mes premières images en noir et blanc, m’inscrivant dans une tradition documentaire face à ceux qui m’étaient encore étrangers. Je maintenais une distance et essayais de comprendre ce que ce médium pouvait encore nous apprendre d’eux. La découverte des quelques archives qu’ils possédaient puis les prises de vue réalisées dans le Photomaton de la gare avec les enfants m’ont rapidement fait comprendre que la diversité des formes et des points de vue était nécessaire pour rendre compte de la densité de la vie qui s’offrait à mon regard.
Mon déménagement à Paris en 2001 m’a éloigné des Gorgan pendant plusieurs années. C’est en 2013, plus de dix ans après avoir réalisé ces photographies, que nous nous sommes retrouvés, comme si l’on s’était quitté la veille. L’évidence que cette histoire devait continuer le plus longtemps possible m’est immédiatement apparue. Ils m’ont alors confié leurs images de ces années passées sans se voir.
Vingt ans après cette rencontre fondatrice, le temps a fait son oeuvre sur les corps et les visages des Gorgan. Un temps différent de celui de notre monde gadjé. Johny et Ninaï sont désormais grands-parents et les caravanes ont quelquefois été délaissées pour des appartements jugés plus confortables.
J’ai vécu en leur compagnie une expérience qui dépasse celle de la photographie. À leur côté, j’ai assisté, pour la première fois, à la naissance d’un enfant ; j’ai aussi veillé le corps de celui que j’avais vu grandir : Rocky, mort brutalement à l’âge de 30 ans.
L’exposition reconstitue les destins individuels des membres de cette famille. Elle retrace l’histoire que nous avons construite ensemble. Face à face. Et désormais, côte à côte. »