Toute une histoire…

La Tour du Bollwerk, vestige des remparts mulhousiens chargé d’histoire

Passage incontournable pour accéder au centre-ville depuis le quartier Nordfeld et le parc Salvator, la Tour du Bollwerk est l’un des derniers remparts visibles de Mulhouse. Sur ses murs, l’histoire de la ville...

Lecture 4 min.

La Tour du Bollwerk a traversé les âges.

La Tour du Bollwerk a traversé les âges.

DR

Aujourd’hui incontournable lieu touristique, la Tour du Bollwerk est l’une des dernières traces des remparts visibles de Mulhouse qui lui vaut le surnom de « Cité du Bollwerk ». Ce petit bastion de défense, situé entre la rue de la Justice et la rue de Metz, est construit en 1397 pour renforcer les défenses de la cité. Dressée à l’extrémité ouest, la plus exposée, la tour servait de point de surveillance contre les attaques surprises. De part et d’autre s’étendaient des murailles de 6 mètres de hauteur et jusqu’à 2 mètres d’épaisseur érigées à partir de 1222. À quelques mètres coulait le Tränkbach, représenté sur le plan Merian ci-dessous (1642), qui alimentait les fossés et faisait tourner moulins et ateliers.

Extrait du plan de Mulhouse, dessiné par Matthäus Merian, en 1642.

Extrait du plan de Mulhouse, dessiné par Matthäus Merian, en 1642.

Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

La tour aux mille visages

La silhouette du Bollwerk évolue au fil des siècles, comme en témoigne sa différence de représentation sur le plan Merian, où elle apparait rectangulaire et crénelée, et sur le plan de Berne, où elle est demi ronde. Initialement terminée par un clocheton, elle est recouverte d’un toit en flèche et d’une girouette en 1892.

La tour change non seulement de visage mais aussi de nom, faisant référence à ses environs. Au XIVe siècle, on l’appelle la « Neuensteiner Thurm », en mémoire de la famille de nobles Neuenstein, dont la cour était proche, puis la « Hug Walch Thurm » d’après le chevalier Hughes Walch Zum Thor. Au XVIIIe siècle, ce sont les commerces alentours qui inspirent de nouveaux noms pour la tour : « Esel Thurm » (Tour de l’âne), représentée sur l’enseigne d’un meunier voisin, puis « Sau Thurm » (Tour aux cochons) en raison de l’abattoir situé en face, à l’emplacement actuel du lycée Montaigne. Enfin, c’est la couleur de sa chaux blanchie qui lui donne le surnom de « Weisser Thurm » (Tour blanche), avant qu’elle n’adopte sa dénomination actuelle autour de 1900. « Bollwerk » est hérité de l’allemand de « bastion », qui est d’ailleurs toujours le nom de la rue intérieure aux remparts. Après son activité offensive, la Tour du Bollwerk est vendue aux enchères en 1798 à Henri Kielmann, qui y installe un stock de marchandises. Le mur d’enceinte, dont la tour fait partie, est partiellement démolie en 1840. À l’hiver 1898, la « Tour de Cochon » est classée Monument historique.

Les deux visages de la Tour du Bollwerk, modifiée en 1892.

Les deux visages de la Tour du Bollwerk, modifiée en 1892.

DR

La fresque du Bollwerk et son histoire à dormir debout

En 1893, le peintre munichois Ferdinand Wagner réalise la fresque qui représente l’attaque de Mulhouse. « Elle représente l’attaque nocturne de la troupe du chevalier Martin Malterer, allié des Autrichiens, qui voulait s’emparer de la ville par surprise en 1385. Mais grâce aux informations du bourgeois Proebstlin, Ulrich Guterolf de Dornach, le bourgmestre de Mühlhausen, sort du lit et, revêtu de sa chemise de nuit et de son casque, parcourut les rues de la ville en criant « Furio » (« Au feu ») », racontent les auteurs des Rues de Mulhouse (éditions JDM, 2007). Au centre de la fresque, l’artiste représente le bourgmestre en chemise de nuit, montant à cheval casqué mais pieds nus.

Bien plus ancien, l’aigle impérial accolé rappelle le statut de Ville libre d’Empire obtenu en 1308 : « Ces armoiries, recouvertes après la Réunion de Mulhouse à la France, ont été retrouvées par hasard, un morceau de crépi s’étant détaché », détaille-t-on encore dans l’ouvrage. En août 1933, le journal L’express de Mulhouse déplore la dégradation des peintures dans un article cuisant : « À Mulhouse, qu’avons-nous - à part notre hôtel de ville historique, - à montrer au touriste curieux de notre passé ? Peu de choses. Des anciennes murailles qui défendaient Mulhouse, ville libre, subsiste, rue de Metz, la Tour du Bollwerk, avec deux pans de mur et un bout de galerie de ronde. Or, abandonnée à elle-même, la tour se décrépit par endroits, les murs se fendillent, les tuiles qui les protègent sont emportées par le vent et personne ne songe à les remplacer. » La question du remplacement de la fresque, au style ancien, se pose avant d’être balayée au profit de la restauration des peintures par l’artiste mulhousien Bernard Latuner en 1977.

La Ville a célébré, en 2024, les 800 ans des remparts.

La Ville a célébré, en 2024, les 800 ans des remparts.

Catherine Kohler

Art et histoire contemporaine

En 1989, la sculpture de bronze La Clé du Bollwerk, réalisée par le plasticien mulhousien Louis Perrin, est intégrée au pavage de la rue du Bastion : « Le Bollwerk n’ayant jamais eu de porte, il faut y voir une clé symbolique », peut-on lire dans Les Rues de Mulhouse. Fresque et sculpture contribuent aujourd’hui à raconter l’histoire de Mulhouse et son passé de ville fortifiée, célébré en 2024 lors des 800 ans des remparts de la ville, avec un concert électro et une illumination exceptionnelle des remparts - qui n’ont manifestement pas fini de briller.

Par Johanna Witz

Publié à 10h21