Initiative

Gang des tricoteuses : le fil qui relie une ville

Dans leur tout nouveau local de l’allée Gluck, qu’elles appellent avec malice « la cathédrale », les Tricoteuses n’ont rien de sages grand-mères penchées sur leur ouvrage. Depuis 2015, ce collectif, devenu association en 2018, tisse des liens autant qu’il tricote de la laine.

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Le Gang des tricoteuses est désormais installé dans ses nouveaux locaux de l'allée Gluck.

Le Gang des tricoteuses est désormais installé dans ses nouveaux locaux de l'allée Gluck.

Lucas Noyon

L’histoire du Gang des tricoteuses commence il y a dix ans, rue de la Synagogue, dans un petit local qui a vu éclore les premiers projets. Tout démarre en 2015 avec Patricia Vest, passionnée de textile, qui entraîne d’autres bénévoles dans ses créations, et Évelyne Kessler, l’actuelle présidente du gang. De cette étincelle naît un groupe passionné qui se structure officiellement en association, en 2018. Ensemble, elles décorent la rue des Brodeuses, imaginent des installations colorées et, en pleine pandémie, accrochent des cœurs en laine sur la place de la Paix. Leur vocation se dessine vite : embellir l’espace public, créer du lien entre les habitants et transmettre des savoir-faire. Huit membres permanentes animent aujourd’hui la vie de l’association. Mais selon les projets, elles peuvent rassembler des dizaines et jusqu’à une centaine de participants : enfants des écoles, habitants de tous âges, bénévoles occasionnels..

Entre mémoire et transmission

Le Gang des tricoteuses revendique une double mission. D’abord, un rôle social : « Ramener à la réalité des gestes simples », comme l’a salué Michèle Lutz, le maire de Mulhouse, lors de l’inauguration récente du nouveau local des tricoteuses, du 59, allée Gluck. Ces gestes, parfois thérapeutiques, aident à la motricité, à la concentration, et permettent à des enfants en difficulté de retrouver confiance à travers un simple pompon. Ensuite, une mission mémorielle : chaque projet rend hommage à des figures disparues, comme Patricia ou deux photographes proches du groupe, Ramon Ciuret et Éliane Goepfert. Le Gang des tricoteuses ne se contente donc pas de décorer l’espace public. Il apprend, transmet, relie. L’association est un lieu d’apprentissage multigénérationnel : une jeune femme venue sans savoir tricoter a appris au fil des projets, jusqu’à ouvrir sa propre entreprise.

Des projets colorés et fédérateurs

Le moteur du Gang des tricoteuses : la créativité, la convivialité et le partage intergénérationnel.

Le moteur du Gang des tricoteuses : la créativité, la convivialité et le partage intergénérationnel.

Lucas Noyon

Cette année encore, les tricoteuses seront présentes le 19 octobre, au parc du Rabbargala à Wittenheim pour la Fête du potiron, où elles tiendront un stand de créations de pompons en crochet. « Les enfants nous attendent chaque année, certains sont revenus avec leurs petits frères ou leurs copains, en disant on vous attendait ! », raconte Evelyne Kessler, sourire aux lèvres. À partir d’octobre, un café-tricot aura lieu chaque mardi et un atelier enfants le mercredi. Les fêtes de fin d’année les verront encore décorer le grand sapin en centre-ville et animer un atelier de Noël. Mais le projet le plus ambitieux se dessine pour l’année prochaine : la redécoration de la place de la Paix, en mémoire de Patricia Vest, figure du commerce mulhousien, décédée en avril 2024. Un chantier collectif, fidèle à leur esprit : « On n’est pas là pour suivre des tutos, mais pour inventer », sourit l’une des membres.

Une utilité publique non déclarée, mais reconnue

Officiellement, elles ne sont « qu’une petite association ». Mais pour beaucoup, elles remplissent une mission essentielle. « J’aimerais vous déclarer d’utilité publique si c’était en mon pouvoir », a lancé le maire, saluant leur capacité à « apporter dynamisme et chaleur à la ville ». Le Gang communique essentiellement via sa page Facebook, mais c’est surtout sur le terrain qu’il prend toute sa place : écoles, rues, places de marché. Entre crochet, solidarité et poésie, les tricoteuses prouvent qu’un fil de laine peut relier bien plus que des mailles : il peut relier des vies.

Par Océane Kasonia

Publié et mis à jour le 30 sept.