Rebberg

« Le Jardin Miquey : un lieu vivant, ouvert et solidaire »

Au cœur du Rebberg, avec ses 83 ares et son bâtiment central de plus de 400 m² voué à une rénovation en profondeur, le Jardin Miquey - qui vient de recevoir 300 000 euros d’aide dans le cadre du « Loto du patrimoine » - surfe sur une nouvelle dynamique. Entretien avec Christian Caoduro, président de l’association éponyme.

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Christian Caoduro est, depuis mai 2023, le président de l’association Jardin Miquey.

Christian Caoduro est, depuis mai 2023, le président de l’association Jardin Miquey.

Marc-Antoine Vallori

Cette fois, ça y est, la rénovation du bâtiment principal du Jardin Miquey est sur les rails. En quoi consiste-t-elle dans les grandes lignes ?

Il s’agit d’une rénovation complète de l’intérieur du bâtiment, menée par le cabinet d’architectes DRLW. Le bâtiment représente environ 460 m², répartis entre le rez-de-chaussée, le premier étage et une salle de 50 m² au deuxième étage. Les travaux porteront notamment sur l’isolation, les huisseries, le chauffage, l’électricité, ainsi que l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, grâce à l’installation d’une plateforme élévatrice. Les sanitaires et la cuisine seront aussi intégralement repris. Le bâtiment conservera son apparence extérieure. Entre les premières réflexions, qui datent de 2021, et le projet final, la feuille de route initiale a été retravaillée, simplifiée, élaguée, mais sans renoncer à son principe fondateur : l’écologie intégrale, au sens large. Cela englobe évidemment l’environnement, mais aussi la dimension sociale, humaine et l’attention portée à l’autre. L’ambition est de faire vivre le lieu au service des autres. C’est l’ADN même du Jardin Miquey.

Pourquoi cette fidélité à l’esprit d’origine est-elle si importante ?

Ce lieu, ouvert en 1876, a une histoire (lire par ailleurs), écrite à l’origine par les époux Étienne et Joséphine Miquey (Ndlr : également à l'origine de la première conférence Saint-Vincent-de-Paul à Mulhouse, en 1846), et nous nous y inscrivons pleinement. Leur objectif était clair : offrir à la jeunesse ouvrière un espace de respiration, de verdure et de détente, loin des fumées industrielles. On travaillait très jeune, souvent six jours sur sept. Le jardin permettait aux jeunes de prendre l’air, de se retrouver dans un cadre sain. Nous restons fidèles à cette vocation sociale.

Le bâtiment principal de 460 m² va faire l'objet d'une rénovation en profondeur et bénéficie d'une aide de 300 000 euros de la Fondation du patrimoine.

Le bâtiment principal de 460 m² va faire l'objet d'une rénovation en profondeur et bénéficie d'une aide de 300 000 euros de la Fondation du patrimoine.

Catherine Kohler

Quel est le budget global du projet de rénovation ?

Nous sommes sur une enveloppe d’environ 2 millions d’euros. La Ville de Mulhouse, à nos côtés depuis le début, nous soutient à hauteur de 200 000 euros (Ndlr : subvention votée au conseil municipal du 25 septembre dernier). Nous sommes aussi inscrits dans le programme Climaxion, de la Région Grand Est et de l'ADEME, avec des subventions qui devraient atteindre 60 000 euros.

Vous faites également partie des 102 lauréats du Loto du patrimoine 2025, cher à Stéphane Bern…

Lorsque nous avons appris, en septembre dernier, que nous faisions partie de la centaine de lauréats (Ndlr : sur 770 projets déposés) de la Fondation du patrimoine, ça a été une immense joie ! Financièrement, et cela vient de tomber, cela se traduit par une aide de 300 000 euros. À cela s’ajoute une campagne de dons en cours, ouverte à tous, portée par la Fondation du patrimoine (Ndlr : objectif 100 000 euros). Pour boucler notre budget, nous faisons aussi appel au mécénat. Le solde sera financé par un emprunt bancaire.

« Travaux à l’automne 2026, livraison à la belle saison 2027 »

Quand le chantier devrait-il démarrer concrètement ?

Si tout se passe comme prévu, les travaux débuteront à l’automne 2026, pour une livraison à la belle saison 2027. Le choix de réaliser les travaux à cette période automnale permet de limiter l’impact sur les activités, qui sont plus nombreuses aux beaux jours, à l’image de celles du centre socioculturel Papin ou de l’association Claire-Joie, pendant plusieurs semaines l’été.

Que permettra ce nouveau bâtiment une fois rénové ?

Il sera utilisable toute l’année. Aujourd’hui, le site est essentiellement exploité en période estivale. Demain, nous pourrons accueillir des activités pour la jeunesse, des projets intergénérationnels, des ateliers culturels, des associations, des chorales... Quatre salles pourront être utilisées simultanément ou réunies selon les besoins.

Le modèle économique repose aussi sur la location…

Oui, une partie du temps, environ 25 %, sera consacrée à la location, afin de générer les ressources nécessaires au remboursement du prêt. Les 75 % restants seront mis à disposition de structures non lucratives, avec une contribution limitée aux frais de fonctionnement.

Le Jardin Miquey, c'est aussi un parc arboré de 83 ares, situé rue du Chant des Oiseaux au Rebberg.

Le Jardin Miquey, c'est aussi un parc arboré de 83 ares, situé rue du Chant des Oiseaux au Rebberg.

Catherine Kohler

« Terrains de pétanque, city stade, nichoirs, guinguette à l’extérieur »

Des opérations sont-elles prévues dans le parc extérieur arboré de 83 ares ?

Non, même si au départ, nous avions des projets de potager, de mare, d’une basse-cour… Le site, très ombragé, limite certaines possibilités et nous avons aussi dû intégrer des contraintes de sécurité et d’usage. Cela dit, les espaces extérieurs ont connu des évolutions avec la création, en 2023, de deux terrains de pétanque et d’un city stade. En rapport avec notre vision d’écologie intégrale et en lien avec l’Association Sauvegarde Faune Sauvage (ASFS), 15 nichoirs pour les oiseaux cavernicoles (mésanges, moineaux, sitelles torchepot…) viennent également d’être installés. Ils permettront, à partir du printemps prochain, de réaliser des actions d’information et de sensibilisation pour tous les publics et notamment les enfants. On imagine aussi une ginguette et un « Biergarten » aux beaux jours…

Cet hiver, votre actualité, c’est aussi la réédition de l’opération Partage au jardin ?

Effectivement ! Depuis l’an dernier, nous organisons chaque samedi, durant l’hiver, des après-midis conviviaux pour des personnes sans domicile et des familles « réfugiées », hébergées dans les hôtels en périphérie de Mulhouse et orientées par le numéro d’urgence (115), en partenariat avec Access 68, l’Ordre de Malte et la Banque alimentaire. Chaque samedi, du 13 décembre au 28 mars de 14h à 17h (sauf les 20 et 27 décembre et le 3 janvier), nous proposons de vrais moments de convivialité, ouverts à tous, avec un programme, pour petits et grands, pour se retrouver autour de boissons chaudes, de gâteaux, de jeux et des temps de partage… Ce sont des moments simples mais essentiels. L’an passé, la première édition a totalisé quelque 300 participants.

Qu’est-ce qui motive votre engagement ?

Le service à l’autre. Mulhouse est une ville marquée par de fortes inégalités. Nous faisons partie des personnes qui ont un toit, une sécurité matérielle. Nous pensons qu’il est de notre responsabilité d’agir, à notre échelle, de manière concrète et immédiate. Le Jardin Miquey est un lieu vivant, ouvert, solidaire. Il n’est pas un espace fermé ou réservé à quelques-uns, mais un endroit où l’on crée du lien, où l’on accueille, où l’on agit. Un lieu fidèle à ses valeurs humaines et utile à notre ville.

Propos recueillis par Marc-Antoine Vallori

150 ans d’histoire

L’histoire du Jardin Miquey est éminemment liée à celle d’Étienne et de Joséphine Miquey. Après la perte de leur fils unique en 1845, les époux Miquey consacrent une part importante de leur temps et de leurs biens aux œuvres de jeunesse. En 1846, ils fondent la conférence de Saint-Vincent-de-Paul à Mulhouse. Ils apportent un soutien financier aux œuvres de la paroisse Saint-Etienne, et notamment au chanoine Winterer. Soucieux de donner à la jeunesse ouvrière locale l’occasion de se divertir et de se ressourcer dans un espace de verdure, le site du Jardin Miquey est acquis et ouvert en 1876. Il comprenait un petit bâtiment, transformé avec l’autorisation du maire Auguste Wicky en 1925. L’histoire est en marche… Les questionnements sur l’avenir du site de la rue du Chant des Oiseaux, en 2021, débouchent sur une mobilisation citoyenne rassemblant autour d’une même table l’association du Foyer Saint-Etienne, alors propriétaire des lieux, mais aussi la Ville et les usagers (lire notre article), avec l’ambition d’écrire un nouveau chapitre de sa longue histoire. Le Jardin Miquey soufflera ses 150 bougies, en 2026.

+ d’infos sur https://www.jardinmiquey.fr/ - Faire un don

Publié hier à 11h26