Interview

Le Cap : « 30 ans d’engagement pour la prévention et les soins en addictologie »

Créée en 1995 à l’initiative du Conseil Général du Haut-Rhin, l’association Le Cap souffle ses 30 bougies d’action en matière de prévention, d’accompagnement et de soins en addictologie. Entretien avec sa directrice Valérie Meyer.

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Dans la structure depuis 1995, Valérie Meyer est directrice du Cap depuis 2016.

Dans la structure depuis 1995, Valérie Meyer est directrice du Cap depuis 2016.

Catherine Kohler

Comment est née l’association Le Cap ?

Elle a été créée en 1995 à l’initiative du Conseil Général du Haut-Rhin. À l’origine, nous avons concentré notre action sur la toxicomanie à Mulhouse, une zone alors confrontée à de fortes problématiques de consommation. Nous avons ouvert un service de prévention et un centre de soins. En 1998, nous avons créé un service de soins à Saint-Louis, dans un contexte transfrontalier. Progressivement, nous avons élargi notre action à l’alcool et au tabac, par la reprise de gestion des centres d’alcoologie d’Altkirch et de Mulhouse, puis à toutes les addictions avec la création des Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA). Aujourd’hui, nous intervenons sur tous les types d’addictions, des substances psychoactives aux comportements comme le jeu ou l’usage excessif d’écrans.

« Une équipe pluridisciplinaire de 40 professionnels »

Quelle est la présence actuelle du Cap sur le territoire ?

Nous avons quatre antennes : Mulhouse, Saint-Louis, Altkirch et Thann, ainsi qu’une équipe mobile qui se déplace auprès des publics précaires ou isolés et des établissements pénitentiaires. Au total, près de 40 professionnels – médecins, psychiatres, psychologues, infirmiers, pharmaciens et travailleurs sociaux – composent notre équipe pluridisciplinaire. En 2024, nous avons accompagné plus de 2 700 personnes et leurs proches.

Quelles sont vos principales missions aujourd’hui ?

Notre action repose sur un continuum de prise en charge, de la prévention au soin. Le CSAPA propose des entretiens individuels gratuits et confidentiels, ainsi que des ateliers collectifs. La consultation jeunes consommateurs (CJC) offre un espace d’écoute pour les 12-25 ans et leurs familles. Notre service de prévention informe et sensibilise, chaque année, près de 10 000 jeunes et 1 400 adultes sur les addictions et les comportements à risques, tout en formant les professionnels et en soutenant la parentalité. Nous sommes aussi aux manettes du dispositif Tapaj (Travail Alternatif payé à la Journée) pour accompagner des jeunes en grande précarité, confrontés à des problématiques d’addiction. Ce dispositif propose des chantiers rémunérés, associés à un accompagnement social global. En 2024, 83 jeunes ont ainsi pu bénéficier d’un tremplin vers l’insertion et les consultations jeunes consommateurs. Enfin, notre unité santé-justice met en œuvre des alternatives aux poursuites, des injonctions thérapeutiques et des stages de sensibilisation avec les tribunaux de Mulhouse et Colmar.

En 2024, le Cap a accompagné plus de 2 700 personnes et leurs proches.

En 2024, le Cap a accompagné plus de 2 700 personnes et leurs proches.

Catherine Kohler

« L’alcool d’abord et, pour les jeunes, le protoxyde d’azote se repand »

Comment ont évolué les addictions et les publics au fil des ans ?

Comme dit, au départ, nous intervenions principalement sur la toxicomanie. Aujourd’hui, l’alcool reste majoritaire (47 % des prises en charge), mais nous constatons aussi une forte consommation de cannabis, de cocaïne, de crack et de médicaments détournés comme le tramadol ou la codéine. Chez les jeunes, le protoxyde d’azote devient très répandu, souvent perçu comme festif alors que les dangers sont réels. 60 % des collégiens et des lycéens que nous rencontrons connaissent le protoxyde mais n’ont aucune conscience des risques engendrés. C’est pourquoi notre rôle de prévention est essentiel. Nous adaptons constamment nos programmes selon l’âge et les usages, y compris autour des écrans, avec des messages adaptés pour chaque tranche d’âge et même pour les parents.

« Vers la saturation »

Comment fonctionne Le Cap au quotidien pour accueillir et orienter les personnes ?

Les personnes peuvent nous contacter par téléphone, par notre site Internet ou venir directement dans nos locaux. Notre équipe mobile et nos consultations avancées vont à la rencontre de populations éloignées du soin, que ce soit dans des foyers, des Centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou des zones rurales. Notre objectif est toujours d’offrir un accompagnement sans jugement, de réduire les risques, et d’orienter vers les soins si nécessaire. La demande de prise en charge est très forte. À Mulhouse, par exemple, il faut compter neuf semaines d’attente pour intégrer notre centre de soins...

Comment allez-vous célébrer vos 30 ans d’existence ?

Nous organisons un double événement les 26 et 27 novembre. Le mercredi 26 à 18h30, au cinéma Palace, nous proposons un temps fort ouvert au grand public, avec la projection du film « Tout pour être heureux », en présence de Jérôme Adam, entrepreneur, producteur et auteur engagé sur les questions de prévention et de sensibilisation autour des addictions. Le lendemain, jeudi 27, nous avons mis sur pied une journée de colloque (complète), réservée aux professionnels et partenaires du secteur, avec la participation du philosophe Charles Pépin, sur la thématique : « Addiction, un autre regard ».

Propos recueillis par Marc-Antoine Vallori

Association le Cap, 4, rue Schlumberger, à Mulhouse. + d’infos : 03 89 33 17 99 - https://www.le-cap.org/

Publié à 14h10