Dix ans d’art vivant : Le Séchoir écrit sa nouvelle saison

La nouvelle saison su Séchoir s'annonce dense.
―Christophe SchmittLa saison 2025-2026 du Séchoir s’annonce dense. On y retrouve les cycles habituels : les expositions collectives où les artistes explorent ensemble un thème ou une posture, les solo shows qui offrent un regard concentré sur un univers singulier, et les Runspace qui favorisent l’expérimentation. Les performances prévues interrogent le corps comme langage, identité et résistance. Certaines œuvres abordent des sujets sensibles comme la sexualité, les traumatismes ou encore les luttes environnementales et mettent en avant la capacité de l’art à ouvrir des espaces de dialogue et de confrontation.
Fidèle à son identité, Le Séchoir ne cherche pas à édulcorer, mais à donner aux artistes la possibilité de questionner, parfois de déranger, toujours de faire réfléchir. La saison s’ouvre avec l’exposition collective Le mot, la forme, le geste, le cycle solo d’Andres Lozano Gallego dans le Runspace, le cycle solo de David Allart ainsi que la présentation du nouvel espace Le OFF.
Le mot, la forme, le geste

L'artiste Hyesung Jung mêle la calligraphie et la peinture.
―Océane KasoniaL’exposition explore la présence du langage dans les arts visuels. Ici, les mots deviennent images, gestes ou sons, oscillant entre poésie et politique. Présent dans l’espace public, dans le numérique ou la vidéo expérimentale, le langage se transforme en matériau à part entière, donnant aux artistes une liberté de forme et d’interprétation. Parmi les participants, Hyesung Jung attire l’attention avec ses toiles où la calligraphie se mêle à la peinture, transformant le signe écrit en geste pictural. Sa démarche interroge la mémoire et l’identité, et démontre que le mot peut devenir sensation autant que concept.
« J’ai appris la technique de typographie, explique-t-elle, mais ce n’est pas une langue, pas vraiment des mots. C’est comme un jeu d’images. Chaque culture lit différemment, alors j’écris des signes que personne ne comprend. » Pour l’artiste, cette pratique est une manière de résister à l’accélération numérique et de retrouver la matérialité du geste. « Composer les lettres à la main, c’est aussi travailler la physique. Les machines anciennes avaient quelque chose de vivant. Ce n’est pas une vraie langue, ni une histoire, mais une autre façon de dire. »
Le OFF : un espace de dialogue parallèle
Depuis mars 2025, un nouvel espace complète les salles du Séchoir : Le OFF. Petit mais stratégique, il accueille des propositions artistiques en lien avec l’exposition collective du moment, des œuvres qui ne trouveraient pas forcément leur place ailleurs mais qui apportent un autre point de vue sur la thématique générale choisie par l’équipe. Cette saison, les œuvres de Bernard Umbrecht seront présentées dans cet espace, offrant au public une lecture complémentaire et originale de l’exposition principale.
Andres Lozano Gallego (LOZ), poétique du rien
Parmi les artistes invités, Andres Lozano-Gallego occupe une place singulière. Pionnier de l’art en ligne depuis la fin des années 1990, il crée de nombreux projets collaboratifs et présente ses œuvres dans des lieux majeurs comme le Palais de Tokyo. Dès les années 2010, il explore le rétro-computing et restaure des œuvres numériques. À côté de ces expérimentations technologiques, il continue de peindre et de concevoir des dispositifs mêlant écrans, traceurs et installations à LED, privilégiant une esthétique low tech.
Pour Le Séchoir, il présente aujourd’hui une série d’aquarelles récentes, principalement centrées sur les ciels et les nuages. Une apparente simplicité qui cache une réflexion plus profonde : derrière ces paysages, l’artiste revendique le droit à la paresse, à la rêverie et à la procrastination. « Ne rien faire » devient ici un geste philosophique et artistique, presque militant. Ses œuvres, accrochées dans le Runspace, rappellent que la contemplation peut être une forme de résistance.
L’Atelier du Vestiaire, une inclusion créative

Le Séchoir est installé dans le bâtiment de la Tuilerie, rue Josué Hofer.
―Catherine KohlerCette rentrée est aussi marquée par la place donnée à l’Atelier du vestiaire, collectif né il y a cinq ans au sein de la résidence Cap Cornely, en lien avec l’Adapei Papillons Blancs d’Alsace. Une quarantaine de personnes y pratiquent la création artistique sans objectif thérapeutique, dans une logique d’expression personnelle et d’expérimentation. Depuis plusieurs années, le collectif collabore avec Le Séchoir : d’abord en partageant l’atelier de céramique n°17, puis désormais en occupant à part entière l’atelier n°7. Un espace dédié est même prévu dans le prolongement du Séchoir, renforçant encore ce partenariat. Cette présence illustre la volonté du lieu de mettre en avant des pratiques inclusives, où la diversité des parcours nourrit la richesse des œuvres.
Dix ans d’ancrage et d’avenir
Un constat s’impose : en dix ans, le Séchoir a su devenir bien plus qu’un espace d’exposition. Il est un écosystème artistique, où se croisent plasticiens confirmés, jeunes diplômés, collectifs expérimentaux et publics variés. Le soutien de la Ville de Mulhouse, de la Région Grand Est et de partenaires institutionnels a permis cette stabilité, mais c’est surtout l’énergie collective des artistes et des bénévoles qui a façonné son identité. L’avenir ? Poursuivre l’exploration, consolider les liens avec les écoles d’art comme la HEAR, multiplier les projets éducatifs et de médiation, mais aussi imaginer de nouvelles formes d’hospitalité pour les artistes en résidence. Fidèle à son esprit, Le Séchoir entend rester un lieu en mouvement permanent, fidèle à l’expérimentation et à l’ouverture. Dix ans après sa création, il trace les lignes d’une prochaine décennie où l’art restera une affaire collective et vivante.
+ d’infos sur www.lesechoir.fr
Par Océane Kasonia