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17 janvier 2021 à 8h59 par 2 409 0

Benoît André, directeur de La Filature : « Il nous manque la relation avec les publics »

Benoît André, directeur de La Filature : « Il nous manque la relation avec les publics » | M+ Mulhouse
Benoît André, directeur de La Filature : « Il nous manque la relation avec les publics » | M+ Mulhouse

Benoît André, directeur de La Filature : « Il nous manque la relation avec les publics »

17 janvier 2021 à 8h59 par 2 4090

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Temps de lecture : 4 minutes

Un an après avoir pris ses fonctions de directeur de La Filature, Benoît André revient sur cette année particulière marquée par la pandémie, mais aussi sur Les Vagamondes, qui prennent la forme d’un festival 100% numérique, jusqu’au 31 janvier.

Vous dirigez La Filature depuis un an, que retenez-vous de cette année ?

C’est une année totalement atypique. Deux aspects se côtoient : une forme de lassitude et de fatigue qui s’installe progressivement, avec cette notion de stop and go, qui fait que les effets d’annonces nous laissent penser qu’on va pouvoir relancer la machine, on se met en ordre de bataille, on réadapte, on réorganise, ce qui est beaucoup de travail pour rien… C’est la partie la plus fatigante de l’exercice, mais le côté positif est que les aides du gouvernement nous ont permis de respecter les compagnies, les artistes, les intermittents, c’est à dire que la solidarité dans l’écosystème de la culture a fonctionné. On a été en mesure d’assumer nos engagements vis-à-vis d’un maximum des personnes qui dépendent de nous.

Comment La Filature s’est-elle adaptée à cette situation exceptionnelle ?

Nous sommes une maison avec des moyens logistiques, des salles bien équipées et on a aussi la chance d’héberger l’Orchestre symphonique de Mulhouse un orchestre symphonique, d’accueillir régulièrement le Ballet et l’Opéra du Rhin, donc l’activité ne s’est jamais complètement arrêtée. Nous avons réussi à filmer Angélique Kidjo sur scène au mois de novembre, on a commencé à mettre un doigt dans l’audiovisuel et le numérique avec ce concert. Par ailleurs, des périodes d’exploitation ont été transformées en périodes de maintenance, de travaux que nous n’avons pas le temps de faire par ailleurs, nous ont permis de garder le lien avec les intermittents du spectacle. Les élèves de notre classe préparatoire Théâtre ont continué à avoir cours, ils sont dans une belle dynamique ! Il nous manque la relation avec les publics et même si le numérique est une option, elle n’est pas totalement satisfaisante. La rencontre physique, le partage des émotions est totalement important et intrinsèque à la culture.

Justement, comment garder un lien avec le public durant cette période ?

Nous avons recherché des supports numériques que les gens pourraient regarder de chez eux, en essayant de permettre aux Mulhousiens de retrouver des artistes qu’ils ont déjà eu l’occasion de rencontrer à La Filature, via le web. Ensuite, il y a cette logique de captation qui est arrivée doucement, parce qu’il fallait trouver les moyens et que les médias audiovisuels étaient assaillis de demandes… La troisième étape est le modèle intermédiaire, que l’on met en place pour Les Vagamondes avec la transformation complète du festival en festival numérique.

Était-il important de maintenir Les Vagamondes ?

L’ADN du festival, depuis toujours, est basé sur la rencontre, le dialogue, la confrontation de cultures, l’échange… Or, dans la période que l’on traverse, c’est tout ce dont on manque ! Renoncer à ce festival qui est construit sur ces notions n’avait pas de sens, il fallait le maintenir. Il y avait sept créations prévues dans le cadre du festival, six sont maintenues grâce à la solution numérique. Nous accueillons, malgré tout, les compagnies, elles ont un temps de travail et peuvent créer leur spectacle, sans public mais devant des caméras, ce qui leur permet de donner de la visibilité à leur travail. C’était important de maintenir le soutien à la création. Finalement, avec un travail assez acharné, nous avons réussi à identifier des partenaires, réunir des moyens et permettre que 90% de la programmation du festival soit maintenue, soit 13 des 16 spectacles initialement prévus, soit à travers des captations réalisées ici à Mulhouse, soit encore à travers des supports déjà existants. Le partenariat avec Arte, qui est une programmation de films documentaires, est maintenu, tout comme les rencontres, débats et tables rondes.

Comment va se dérouler ce festival numérique inédit ?

Le journal L’Alsace nous prête sa plate-forme de vidéo, Szenik prend le relais, le Réseau des télévisions du Grand Est va rediffuser certains spectacles… Ça nous fait toute une série de partenaires de la région, qui nous aident à pousser la visibilité du festival. Comment ça marche ? Le plus simple est d’aller sur la page des Vagamondes, sur le site de La Filature, il y a tout le programme qui est détaillé. Nous avons fait le choix de ne pas tout publier en bloc mais avons éditorialisé les contenus, avec des soirées thématiques qui se succèdent. Le contenu accessible sur le web augmente tous les jours, tous les sujets sont accessibles gratuitement, et restent en ligne jusqu’au 31 janvier. Nous avons étiré le festival jusqu’à cette date, pour laisser le temps aux internautes de regarder les contenus à leur rythme, en suivant les soirées thématiques ou en construisant leur parcours.

Quelle sera la couleur de ce festival ?

C’est un festival de transition pour moi, entre le festival des cultures du Sud et ce que je veux faire évoluer vers un festival sans frontières. Je sais qu’il y a énormément d’artistes qui travaillent sur les notions de frontières, quelles qu’elles soient. A l’avenir, on abordera aussi bien la frontière entre les genres, le réel et le virtuel, le handicap et le valide, le transgénérationnel… Pour faire cette transition, nous faisons un tour du bassin méditerranéen, les gens du Sud sont toujours présents mais j’ai fait le choix de n’inviter que des artistes pour lesquels la notion de frontières a du sens. C’est le cas avec Olivier Dubois ou Rocío Molina, qui fait exploser les frontières du flamenco à travers une rencontre unique avec trois musiciens palestiniens… La plupart des spectacles du festival vont faire référence à la notion de voyage, de migration, d’identité, d’hospitalité.

Comment voyez-vous l’année à venir ?

Je suis un éternel optimiste, j’espère qu’on pourra ouvrir les salles au mois de mars. Mais je n’y crois qu’à moitié, je pense que le vrai retour à la normale sera peut-être en septembre. Mais tout ça, c’est une espèce de pari sur quelque-chose que personne ne maîtrise… Un des enjeux va être de faire des choix, de reporter des spectacles et de devoir en annuler d’autres. C’est la partie la plus difficile, quand on fait des choix artistiques c’est qu’on a vraiment envie de les partager, de vivre cette émotion avec d’autres, et y renoncer n’est pas forcément facile.

Festival Les Vagamondes, jusqu’au 31 janvier, en ligne.
+ d’infos sur www.lafilature.org

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